your wish is my command

la chimère 5928M7 a été mise au jour pour se consacrer à la servitude. le croisement d'animaux n'est composé que de proies. il fut envoyé dans un foyer fortuné s'étant porté volontaire pour en faire le test. peut-être serait-il apte à être produit massivement et commercialisé ? mais quelques semaines après avoir été affecté, aoi hasekura n°5928M7 fut renvoyé au laboratoire. il s'était mis à pleurer incontrollablement lorsque son maître l'appela à sa chambre. étant jugé indigne de le servir, il en disposa. aoi revint donc à l'hôpital afin que les scientifiques puissent détecter ses anomalies.

il ne se rappelle d'aucune enfance, mais d'une éducation ininterrompue, une formatation nécessaire à un service impeccable. sa création fut célébrée comme un succès - après tout, sa faiblesse était nécessaire. il ne faudrait pas qu'il se mette à résister à un client. alors on lui apprit ce qu'il fallait faire pour satisfaire une clientèle exigente. une étiquette irréprochable pour le plus doux des agneaux. il apprit à servir le thé en accord avec les traditions japonaises, il apprit à nettoyer avec diligence, il apprit à se déshabiller. il apprit à baisser les yeux, à être silencieux, imperceptible, effacé. il apprit à chanter, à réciter, à jongler, à plaisanter, à être de bonne conversation et de bonne compagnie. il savait comment user de sa blondeur, de sa maigreur, de sa beauté.

chaque jour, on lui répétait qu'il était spécial, et beau, et voué à de grandes choses. servir les plus grands. un prototype encore en développement mais rudement prometteur. il allait déchaîner les médias, son modèle allait devenir top des ventes. il allait, il allait, il allait. puis il fut affecté à une maison. un test pour certifier de son efficacité sur le terrain. et la poupée s'effondra.


son corps comme un pantin désarticulé au pied du lit, un regard vide. lui qui avait été traité avec tant de précaution, tant de bonté, avait été réduit à une souillure indélébile. aoi, l'objet de luxe, avait été manié comme une esclave premier prix.

« amène-moi une tasse de darjeeling »

la requête fut accueillie par un silence. aoi était encore assis au pied du lit. le maître lui jeta un drap pour la décence, sans s'inquiéter. après tout, ce n'était qu'une chimère. si ça se trouve, il n'avait même pas de sentiments.

dans l'esprit de aoi, une incompréhension furieuse. des pensées qui défilent et qui ne s'arrêtent plus. il est dépassé par ses propres émotions, ses propres sensibilités. il ne sait que faire de ces sentiments nouveaux et incontrôllables, cette indignation feutrée, cette douleur insupportable.

« ne m'entends-tu donc pas, aoi ? »

plusieurs semaines de parfait service, et le voilà qui ne bouge. le maître était singulièrement contrarié. c'était un pantin de la plus haute qualité, et le voilà déjà qui semble se casser. mais la petite forme couverte d'un drap se lève lentement. ses muscles sont endoloris, ses membres ankylosés, mais il s'avance, chancellant, vers une table basse.

il s'agenouille tant bien que mal et infuse la plus belle tasse qu'il n'ait jamais infusé. il place la tasse sur un plateau et se relève. effectue quelques pas maladroits.
mais que se passe-t-il ? ses épaules s'affaissent et tremblent, puis son corps tout entier se met à vibrer. des spasmes le secouent tout entier. le plateau vole de ses mains, la tasse explose contre le sol. aoi est composé tout entier de sanglots, ses yeux débordent de larmes. son corps s'agite d'un chagrin inconsolable qu'il n'arrive pas à comprendre. il n'est qu'une masse de pleurs, de gémissements, de douleur et d'effroi.

le maître le regarde. soupire.
« espèce de jouet cassé. tu seras envoyé dans un hôpital dès ce soir. »

et l'être de luxe fut envoyé à iroke.